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Retraite des mères de famille : l’égalité par le droit

10 novembre 2009 Aucun commentaire

reforme_mda10 novembre - Le statu quo à propos des trimestres retraite supplémentaires des mères de famille est impossible nous dit-on. Politiquement souhaitable, il serait juridiquement intenable du fait de la pression des juges. Souvent qualifiée de « moindre mal », la réforme de la majoration de durée d’assurance (MDA) du régime général comporte en fait trois faiblesses majeures et ne sécurise en rien le droit des femmes :
- le système d’option entre les parents pour les quatre trimestres « éducation » risque d’introduire des tensions accrues au sein du couple et certaines décisions d’opportunité, irréversibles, s’avèreront préjudiciables pour les femmes au moment de leur départ à la retraite ;
- les critères d’arbitrage, en cas de désaccord entre le père et la mère, conduiront certaines femmes à devoir apporter la preuve de leur contribution à l’éducation des enfants, dans un contexte d’accès de plus en plus difficile au droit et de précarité accrue des femmes : c’est un recul pour le droit des femmes, alors que le rapport annuel du Secours catholique vient de révéler qu’elles étaient de plus en plus nombreuses à frapper à la porte des organisations caritatives. – les mères adoptantes se retrouvent discriminées, notamment parce que potentiellement, elles ne pourraient bénéficier d’aucun trimestre supplémentaire.

L’égalité par le droit se révèle dans certains cas plus pertinente que l’égalité dans le droit.

C’est pourquoi je propose de maintenir le dispositif de majoration de durée d’assurance retraite des mères de famille tel qu’il existe aujourd’hui. Pour ne pas subir les foudres jurisprudentielles, je suggère de préciser, au sein même du code de sécurité sociale, que le dispositif est provisoire et vise à compenser l’inégalité persistante de fait que subissent les femmes dans leur vie professionnelle. Le dispositif devra prendre le soin de s’ouvrir aux hommes mais dans certains cas exceptionnels seulement, lorsque le père peut apporter la preuve qu’il a élevé seul ses enfants.

La Cour de justice des communautés européennes admet sous certaines conditions les actions de discrimination positive. En tout état de cause, la MDA du régime général ne paraît pas rentrer dans le champ de son contrôle. Quant à la Cour européenne des droits de l’homme, est-on réellement certain qu’elle condamnerait formellement un dispositif dont on plaiderait avec des arguments solides le caractère provisoire et le fondement objectif et raisonnable ? La jurisprudence de la Cour de Strasbourg est nuancée et pragmatique. Elle admet que les Etats sont parfois mieux placés que le juge international pour déterminer l’intérêt général en matière sociale. Surtout, elle accepte de traiter des groupes de manière différenciée pour corriger des inégalités factuelles entre eux.

La confiance légitime et la sécurité juridique auxquels les assurés sociaux sont en droit de prétendre, sont des principes juridiques au moins aussi importants que la stricte égalité dans la règle de droit. La MDA a prouvé son utilité de longue date. Son effet correcteur est efficace. Sa réforme ne peut être envisagée à la va-vite, sans concevoir son articulation avec les autres avantages familiaux et surtout avant-même qu’une quelconque évolution positive ait été constatée dans les faits en matière d’égalité professionnelle avérée entre les hommes et les femmes.

Voir l’amendement que j’ai déposé dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010
Lire le compte rendu analytique de la séance du dimanche 16 novembre 2009 au cours de laquelle l’amendement à l’article 38 du PLFSS pour 2010 a été examiné (et malheureusement rejeté… de peu ! )

Liens utiles
- Article L351-4 du code de la sécurité sociale (dispositif MDA actuel)
- PLFSS transmis au Sénat (pas d’ancre malheureusement vers l’article 38)
Rapport de Marie-Jo Zimmermann à l’Assemblée nationale au nom de la délégation aux droits des femmes
Position de Denis Jacquat, rapporteur PLFSS 2010 à l’AN pour la branche vieillesse, concernant l’article 38
Rapport de Jaqueline Panis au nom de la délégation aux droits des femmes du Sénat

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