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Compte rendu de mon déplacement en Inde : Deuxième journée

10 février 2012 Aucun commentaire

Visite de l’Association Shalom

Les docteurs Saira Paulose et Savita Sanghi dirigent cette ONG, d’inspiration chrétienne, et qui suit 2500 malades co-infectés par le VIH etla Tuberculose.

Elles mettent en place un soin quotidien des malades, pour mieux traiter les deux maladies. Elles animent des groupes de fidèles d’une dizaine de communautés d’Eglises, pour encourager l’accompagnement des séropositifs, au long cours. Elles gèrent un centre de diagnostic et de soins et une dizaine de lits d’accueils. Elles œuvrent particulièrement en faveur des populations discriminées du fait de leurs orientations sexuelles ou leurs conditions de vies (habitants des bidonvilles notamment).

La visite des lieux est impressionnante.

Une jeune fille de quinze ans vient avec sa maman : elle sera hospitalisée, elle n’est pas scolarisée car elle prend en charge ses trois jeunes frères et sœur, sa maman, qui assume seule la charge de la famille, travaillant dans la journée. Sa grande soeur est hospitalisée dans l’hôpital public. Ce sont vraisemblablement les conditions de promiscuité qui ont entrainé une transmission de la maladie dans la famille. Elle est courageuse.

Nous évoquons plus généralement la situation des enfants dans les bidonvilles. Les jeunes sont peu scolarisés, car ils sont peu motivés, les parents sont absents ils travaillent comme journaliers. L’alcoolisme est très fréquent, les jeunes font de mauvaises rencontres, consomment très tôt des produits, de la colle en particulier.

Quant aux filles, elles s’occupent souvent des plus petits, comme la jeune fille rencontrée.

Grace Nurila, visiteuse des familles, nous explique son activité : elle suit 280 situations, et se rend a domicile une fois par mois chez ceux qui viennent d’être infectés, un peu moins souvent chez ceux qui ont l’habitude du traitement. Elle suit particulièrement 20 transsexuels, très marginalisés.

Déjeuner avec Boby John, de Global Health Advocates, l’ONG qui a co- organisé ce voyage d’étude.

En dix ans, les gains en terme de santé en dix ans ont été considérables, grâce a la mise en place d’une organisation efficace intégrant les « communautés » ou groupe sociaux, pour toucher plus largement les populations. Le nombre de décès par la tuberculose est ainsi passé de 1800 par jour en 2001 à 800 actuellement.

Mais le combat continue. Une personne malade de la tuberculose pulmonaire non soignée peut la transmettre à environ quinze autres personnes en un an. L’importance d’un traitement rapide est évidente.

Une partie de la population est encore non concernée par la couverture pourtant totale en théorie du territoire indien de 13 000 centres de diagnostic et de soins mis en place. Les traitements des malades doivent être menés à terme pour éviter les multi résistances : le soulagement ressenti par les malades au bout de quatre à six semaines de traitement les conduit trop souvent à interrompre leurs médicaments.

Sur le chemin du retour, nous passons près de plusieurs zones de bidonvilles, qui côtoient d’autres parties de la ville plus développées. Contraste d’un grand pays plein d’espérance et aux défis multiples et sévères.

Nous évoquons la place des secteurs public et privé : le secteur public s’est en effet concentré sur la tuberculose pulmonaire, du fait des risques de contamination. Le secteur privé a ainsi la charge des autres formes de tuberculose, en particulier osseuses, qui touchent les personnes mais ne se transmettent pas aussi facilement. Le nombre total de cas de tuberculose serait ainsi plus proche de 3,5 à 4 millions par an en Inde.

Rencontres avec des acteurs de lutte contre la Tuberculose.

Rencontre avec Loon Gangte, un « activiste » de la cause des maladies, comme il se nomme lui même : malade du sida depuis quinze ans, il a perdu beaucoup d’amis. Il s’est investi dans le collectif « Dehli Network of Positiv People », DNP+, et défend la diffusion de médicaments produits, selon l’accord de Doha, sous la forme de génériques en Inde et dans les pays pauvres.

Demain, vendredi, sera évoqué l’accord de « Free Trade » entre l’Union Européenne et l’Inde, dont la discussion n’est pas aboutie. Elle pourrait remettre en cause un élément central de l’accord de Doha, qui a permis de faire baisser considérablement le coût des traitements (par exemple pour le sida, de 15000 à 150 dollars en quinze ans).

Cet accord de Doha prévoit en effet la possibilité d’autoriser la production de génériques – pendant la période de validité du brevet- dans un pays pauvre (comme l’Inde) dans certaines conditions « d’urgence médicale ». C’est la remise en cause du bénéfice de cet accord pour certaines  maladies qui pose la question centrale de l’accès aux soins dans le monde.

On pourra rappeler l’historique. Apres la guerre, c’est une législation très protectrice des brevets qui est en place, et les médicaments sont massivement importés, à prix élevés. A partir de 1970, le gouvernement indien met en place une stratégie de développement de sa recherche et de son industrie pharmaceutique.

La signature par l’Inde, avec l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) d’accord dits ADPIC, sur les Droits de Propriété Intellectuelle liés au Commerce (nommés TRIP en anglais) lui donne dix ans pour adapter sa législation de protection des brevets.

En 2001,  les accords de  Doha permettent à l’Inde la production de génériques, et une concurrence entre compagnies indiennes accentue encore la baisse des prix. L’Inde est aujourd’hui le premier fournisseur au monde de médicaments génériques pour les pays pauvres, et couvre 80% de ce marché.

L’avocate Kajal Bhardwaj nous présente ces arguments avec fougue et détermination.

« Nous venons de déposer vingt cercueils à la délégation de l’Union Européenne, car les politiques commerciales menacent des vies ». Elle défilera, avec de nombreux activistes et d’Indiens mobilisés, demain vendredi à l’occasion de la venue  des Présidents Hermann Von Rompuy et Barroso.

Les risques liés a des recours de compagnies pharmaceutiques en cours de jugement contre des Etats faisant application de l’accord de Doha (Brésil et Equateur) pour des rétroviraux sont réels.

Le rôle très positif dela France, en particulier d’Unitaid qui a monté des accords sur des brevets avec des fabricants de génériques- est cité en exemple…La Franceest encore sollicitée pour aider l’Inde dans ce combat. On rappellera qu’Unitaid est financé par la « taxe Chirac » sur les billets d’avion.

Stop TB Partnership

Nous rencontrons ensuite Blessy Kummar Vice Présidente et John Kurian George, membre de la structure qui fédère les acteurs mondiaux de la tuberculose.

Rappelons que l’objectif M6 du millénaire pour la tuberculose était de réduire de 50% le nombre de décès en 2015 et l’Inde est en passe de réussir ce pari.

Stop TB Partnership comprends des Etats participants aux programmes, des fondations telles que Bill et Melinda Gates, des représentants des « Communautés  » (au sens anglo saxons de groupes sociaux, formels ou non)
John Kurian rappelle l’inquiétude de tous les acteurs, le dernier appel a projet (n.11) ayant été annulé.

Le comite national de suivi (CCM) pour les trois maladies (sida tuberculose et paludisme) qui dépend du fond mondial traitant des trois mêmes pandémies, a exprimé son inquiétude sur ce risque de non financement d’actions engagées. Mais l’état indien entend très largement financer lui même ce programme pour les années à venir.

Le diner rassemble les responsables de Global Health Advocacy. Une belle exposition réalisée par de jeunes artistes, qui se sont « immergés » dans l’hôpital -Institute for Pulmonary Medicine- visité hier qui traduit espoir et souffrance. Un Membre de la chambre Basse du Parlement, Dr Thokchom Meinya, nous a rejoint pour ce moment d’encouragement et de félicitations aux acteurs impliqués pour le soutien au programme contre la tuberculose en Inde.

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