Accueil » A la une, Centristes UMP, Société

Réforme du congé parental: une mesure d’économie réalisée sur le dos des familles

12 janvier 2015 Aucun commentaire

 

 

Congé parental

 

« Familles, je vous aime ». C’est le credo d’un gouvernement qui se complaît dans les déclarations d’amour à défaut de pouvoir en fournir des preuves.

Car ce gouvernement n’aime manifestement pas les familles, enfin, du moins, pas les familles qui n’ont pas les moyens de se payer une nourrice ou des places en crèches. Pour s’en convaincre, il suffit de se pencher sur la loi du 4 août 2014 dite « d’égalité réelle entre les femmes et les hommes » et ses deux décrets d’application du 31 janvier qui viennent préciser les modalité  de fonctionnement du nouveau congé parental.

En effet, conformément à la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015, les règles de ce congé ont changé depuis le 1er janvier dernier.

Le congé parental d’éducation connu sous le nom de « complément libre choix d’activité » (CLCA) n’existe plus. Il s’appelle désormais « prestation partagée d’éducation de l’enfant » (PreParE).

Pour un premier enfant, sa durée passe de 6 mois maximum pour un seul parent à 1 an si les deux parents prennent un congé. Concrètement, cela signifie que si un seul parent décide de faire une pause professionnelle, il ne pourra être indemnisé par la Caisse d’allocations familiales que durant 6 mois comme auparavant. Impossible d’obtenir 4 mois de congé pour l’un, 8 mois pour l’autre. Même si la durée totale prise par les deux parents n’excède pas un an, chaque membre du couple ne peut prendre plus de 6 mois. A partir du deuxième enfant, la PreParE peut être versée jusqu’aux 3 ans de l’enfant comme auparavant, mais chaque parent ne peut prendre que 24 mois au maximum. C’est donc au second parent de prendre les 12 mois restants s’il veut profiter de la durée maximale.

Ainsi, le gouvernement a, par voie réglementaire, réservé obligatoirement 12 mois de congé parental au père, tandis que la mère ne disposera plus que de 24 mois au lieu de 36 auparavant. En cela, il souhaite « inciter » les pères, pour ne pas dire les « contraindre », à prendre un congé parental.

Une mesure prise sous-couvert du principe d’égalité entre les femmes et les hommes, par laquelle le Gouvernement socialiste prétend favoriser un meilleur partage des responsabilités parentales au sein des couples dans le domaine de l’éducation des très jeunes enfants. En pratique, pourtant, fort à parier que cet encouragement soit fort modeste et qu’il ne dissimule en réalité qu’une énième mesure d’économie participant du démantèlement de notre politique familiale . Car, dans les faits, les pères, qui ont statistiquement un salaire plus élevé que leur compagne, ont très rarement recours au congé parental.

Une mesure d’économie réalisée sur le dos des familles

Le gouvernement l’a d’ailleurs bien compris et table sur le non-recours massif des pères à leur droit de congé parental.

Les économies ainsi dégagées sont d’ailleurs, avec un certain cynisme, relevées dans les estimations réalisées par la Direction générale du Trésor et la Direction de la sécurité sociale. La réforme induirait des économies à hauteur de 90 millions d’euros pour 2015 et de 240 millions d’euros pour 2017 sur la branche famille de la loi de finance pour 2015.

On est bien loin de défendre l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce nouveau dispositif n’est ni plus ni moins qu’un moyen pour le Gouvernement socialiste de réaliser  des économies sur le dos des familles et notamment sur celui des femmes les plus fragiles. Je pense notamment à ces femmes qui travaillent en horaires décalés ou déstructurés et qui vivent pour beaucoup d’entre elles dans les quartiers difficiles.

Leurs conditions de travail et de rémunération sont incompatibles avec les modes de gardes existants et bien souvent, ces femmes n’ont d’autres choix que de réduire ou suspendre leur activité professionnelle pour pouvoir s’occuper de leurs enfants. L’ancien CLCA permettait à ces mères qui travaillent de nuit ou qui partent tôt et rentrent tard, de pouvoir accompagner leur enfant jusqu’à ce qu’il soit scolarisé. En diminuant le congé parental d’un an, ce sont 50.000 femmes qui seraient contraintes d’abandonner leur emploi et entreraient dans une période de précarité et d’incertitude (selon une étude du Haut conseil de la famille, 2010).

Les familles les plus fragiles seront touchées

Nul doute que cette nouvelle réglementation pénalisera aussi les femmes qui choisiront de cesser de travailler à taux partiel, afinde garder un emploi partiel jusqu’à l’entrée des enfants à l’école. Un choix qui facilite par la suite la reprise de leur emploi à plein temps et qui sécurise leur parcours professionnel.

Enfin, ce dispositif créera pour les femmes un problème de 12 mois de « soudure » avant l’entrée à l’école maternelle. Cela pèsera lourdement sur la demande de places en crèche et en nourrices, qui sont pourtant déjà notoirement insuffisantes sur tout le territoire.

Nous le voyons, cette réforme aura des conséquences fortes sur les familles les plus fragiles et c’est pourquoi, avec nos collègues sénateurs, nous avions voté un amendement afin qu’une étude d’impact en bonne et due forme soit réalisée.

Le gouvernement  doit prendre conscience de la portée de ses réformes sur les mères de familles les plus fragiles. Il doit prendre conscience que les femmes sont victimes alors d’une « double peine » : non seulement elles sont moins payées, mais en plus, elles sont désormais moins aidées.

L’affaiblissement de notre politique familiale

Toutefois, au-delà de la simple question des femmes en situation difficile, ce congé pose au fond un réel questionnement qui concerne toutes les familles : celui du libre choix. Celui de la liberté de choisir la manière dont on veut concilier la vie familiale et professionnelle.

Auparavant, la durée du congé parental pouvait être répartie indifféremment entre la mère et le père. Ce libre arbitre constituait une bouffée d’oxygène dans un moment où, bien souvent, le poids soudain de nouvelles responsabilités succède sans préavis à la joie d’une nouvelle naissance. Au lieu de simplifier la vie des familles, le gouvernement se borne à la leur compliquer.

 

Depuis 1985, le congé parental n’a cessé de s’améliorer, notamment par la loi Veil de 1994. Pour la première fois depuis sa création, un gouvernement contraint ce droit dans les textes et diminue ce droit dans les faits. 

 

Après la modulation des allocations familiales en fonction des revenus, le gouvernement ne voit-il pas qu’il enclenche encore un processus qui affaiblit considérablement notre politique familiale ?

D’autant plus que les économies escomptées ne seront sans doute pas au rendez-vous. Le montant de l’allocation mensuelle versée par l’Etat est en définitive  modeste au regard des dépenses publiques nécessaires pour financer des places en crèche ou pour subventionner d’autres modes de garde. Un parent qui recourt à un congé parental d’éducation fait probablement réaliser d’importantes économies à l’Etat, sans compter quel’employeur, quant à lui, peut réaliser une embauche sur le poste de travail libéré, ce qui est précieux en période de chômage élevé. Restreindre le droit à congé parental pourrait donc coûter cher aux finances publiques. 

 

 

Les orientations prises par ce Gouvernement en matière de politique familiale sont décidément difficilement compréhensibles.

Est-ce vraiment aux familles de payer les conséquences de la crise? N’y-a-t-il pas d’autres postes  budgétaires sur lesquels il conviendrait de faire des économies? Je pense notamment à notre système de retraite.

 

 

« Famille, je vous aime », nous dit pourtant ce Gouvernement.  Jamais l’amour n’aura rendu aussi aveugle.

 

Fabienne Keller

 

 

 Retrouvez l’intégralité de ma tribune parue sur le site de l’OBS le 21 novembre 2014 en cliquant sur l’image ci dessous :

 

Capture d’écran 2015-01-23 à 09.41.09

 

 

 

 

 

Comments are closed.